Les cabinets de curiosités désignent au XVIe et XVIIe siècles des lieux dans lesquels on collectionne et présente une multitude d'objet rares ou étranges représentant les trois règnes: le monde animal, végétal et minéral, en plus de réalisations humaines.
Avec le développement des explorations et la découverte de nouvelles terres au XVIe siècle, plusieurs princes, savants et amateurs de cette époque se mettent à collectionner les curiosités en provenance des nouveaux mondes. On définit en général le cabinet de curiosités comme un microcosme ou résumé du monde où prennent place des objets de la terre, des mers et des airs (minéral, végétal et animal), à côté des productions de l'homme.
L'objectif des curieux n'est pas d'accumuler ou de répertorier la totalité des objets de la nature et des productions humaines comme le tenteront les encyclopédistes au XVIIIe siècle, mais plutôt de pénétrer les secrets intimes de la Nature par ce qu'elle propose de plus fantastique. En collectionnant les objets les plus bizarres qui l'entourent, le curieux a la sensation de pouvoir saisir, de surprendre le processus de Création du monde.
Le lieu, la pièce
Il importe de distinguer entre le cabinet comme lieu physique et le cabinet comme meuble. À l’époque il n’y a que des musées privés : les cabinets. En général, on peut les visiter assez facilement avec une lettre d’introduction, mis à part quelques exceptions comme le cabinet de Rodolphe II qui était tenu assez secret. On peut établir une distinction entre les grands cabinets princiers et des grandes familles comme ceux de Rodolphe II, de Mazarin, de Gaston d’Orléans et ceux des amateurs moins fortunés, les érudits par exemple: Peiresc, Ole Worm (médecin suédois).
Le meuble
Le cabinet est le meuble caractéristique du curieux. Souvent, le meuble lui-même se transforme en précieux objet de collection : on en retrouve en ébène, incrusté d’écailles ou de pierres dures, parfois peint par des artistes de renom.
Plusieurs auteurs établissent une distinction entre les cabinets du Nord et ceux du Sud. Selon Antoine Schnapper, cette opposition serait trop fortement exagérée. On identifie souvent les cabinets allemands et leurs collectionneurs par exemple à un goût plus poussé pour le bizarre et les éléments les plus spectaculaires. Cette croyance serait liée au fait que l'on associe les collectionneurs du Nord aux princes fastueux, relativement peu cultivés, et essentiellement sensibles à l'aspect esthétique ou insolite des objets. À l'opposé, les collectionneurs du Sud sont perçus comme des humanistes, possédant une culture plus scientifique et une connaissance de l'Antiquité.
Toutefois, lorsque l'on examine les cabinets italiens de Calceolari, Cospi, Settala ou Moscardo on découvre qu'ils sont tout aussi remplis de bizarreries que ceux du Nord. Un autre exemple atténuant les différences entre le Nord et le Sud est le cabinet du père Athanase Kircher. Originaire du Nord, Kircher s'installe à Rome au XVIIe siècle et rassemble au Collegio Romano un cabinet célèbre dans toute l'Europe. Au XVe siècle cette distinction entre le Nord et le Sud est pertinente mais s'estompe au XVIIe siècle.
Néanmoins, on remarque certaines disparités entre le Sud et le Nord relativement au contenu antique des collections. Les cabinets italiens et français sont mieux approvisionnés en antiquités romaines que le Nord pour des raisons de proximité. On y retrouve un grand nombre de médailles, pierres gravées, statuettes, vases et objets de culte. Dans le Sud de la France, de nombreuses trouvailles archéologiques alimentent les cabinets provenant en partie des relations commerciales avec l'Égypte.
Dans son livre « Collectionneurs, amateurs et curieux », Krzysztof Pomian définit la collection de la façon suivante:
«Une collection ne se définit pas par son contenu. Sa première caractéristique est de rassembler des objets naturels ou artificiels qui sont extraits du circuit d'activités utilitaires et économiques».
Pomian utilise le terme «sémiophore» pour désigner les objets formant une collection. Il s'agit d'un néologisme qu'il a créé pour tenter de déterminer ce qu'ont en commun à la fois des tableaux, des monnaies, des coquillages, bref tous les éléments constituant une collection. Il s'agit d'objets porteurs d'une signification et détournés de leur fonction utilitaire initiale. L'utilisation de ce nouveau terme est importante pour bien cerner ce que contiennent les cabinets de curiosités et ne pas réduire les objets de ces collections seulement qu'aux oeuvres d'art tel que l'ont fait les compilateurs d'inventaires après décès des XVIIIe et XIXe siècles.
Ce n'est que récemment que l'on a pu estimer plus exactement le contenu et la valeur des collections. Les études plus anciennes sur les cabinets de curiosités portaient essentiellement sur les oeuvres d'art et rejetaient délibérément un grand nombre d'objets considérés au XIXe siècle comme dépourvus d'intérêt. Pourtant, la majorité des cabinets aux XVIe et XVIIe siècles sont constitués d'objets composites et rarement uniquement d'oeuvres d'art.
Par exemple, Eugène Müntz publia en 1888 les inventaires des Médicis au XVe siècle et écarta tous les objets qui n'avaient pas un rapport direct avec l'art. Müntz commente cet inventaire et critique l'évaluation monétaire du contenu de cette collection. Qu'une corne de licorne ait été payée 6000 florins alors qu'une Adoration des Mages de Fra Angelico seulement 100 florins ou un Van Eyck uniquement 30 florins constituent une aberration pour Müntz.
La disparition des cabinets de curiosités aux XVIIIe et XIXe siècles et la relocalisation des objets considérés les plus intéressants dans des musées d'art et d'histoire naturelle ont également contribué à occulter toute une partie des collections des Wunderkammern. En ce sens, la définition de Pomian constitue une tentative de réhabilitation du contenu global des cabinets.
Les cabinets apparaissent à une époque où la science ne se préoccupe pas encore des séries et des lois naturelles mais de l'accidentel. Les curieux ont l'impression de pouvoir saisir l'infinie richesse du monde dans ses produits les plus bizarres. On s'intéresse aux points de passage entre un règne et un autre.
L'ambiguïté entourant l'origine des fossiles et du corail par exemple éveille la curiosité. On s'interroge sur leur nature, s'ils sont d'origine végétale ou minérale. Ces objets semblent être dans une phase intermédiaire entre deux états et la confusion qui règne à leur sujet provoque l'intérêt. On espère surprendre les secrets de la création dans ces phénomènes transitoires. Toute chose répondant à ces critères sera donc avidement recherchée.
Certains de ces objets bénéficient d'un prestige supplémentaire lorsque les auteurs antiques les mentionnent: Aristote, Pline, Théophraste, Dioscoride, etc. Ils deviennent encore plus prisés si ces auteurs rapportent quelque stupéfiante vertu magique à leur propos: mentionnons par exemple, le rémora, petit poisson qui aurait la capacité d'arrêter un navire dans sa course en se collant à lui.
On s'intéresse également aux objets qui viennent de loin dans le temps ou dans l'espace: objets antiques, papier de Chine, momies d'Égypte, chaussures indiennes, etc.
Les collections des XVIe et XVIIe siècles sont organisées selon deux grands axes: les naturalia ou choses de la nature et les artificialia ou objets créés par l'homme. À partir de la Renaissance, deux nouvelles catégories d'objets viennent compléter les collections d'amateurs et élargir le champ temporel et spatial des sémiophores: les antiquités et les objets exotiques ou exotica rapportés massivement par les voyageurs et les marins.
Monde minéral
Les pierres précieuses et non-précieuses sont recherchées non pas comme bijoux mais comme forme étrange et esthétiquement plaisante. On amasse de préférence celles se démarquant le plus fortement des autres, les plus rares du règne minéral. Elles sont perçues comme porteuses de vertus curatives. À cette fin elles sont broyées en poudre et ingurgitées ou encore portées en amulette. Les amateurs collectionnent particulièrement celles qui sont encore attachées à leur rocher ou génitrice, marque de leur passage d'un état à un autre.
Parmi ces pierres on trouve les perles, considérées comme les plus communes. Elles sont très recherchées par les curieux, de préférence celles encore attachées à l'huître. L'amiante et l'aimant sont convoités pour leur caractéristiques prodigieuses. L'amiante, comme l'or, parce qu'elle résiste au feu et l'aimant pour son pouvoir d'attirer le fer.
La pierre d'aigle ou aétite figure dans tous les cabinets. Il s'agit d'une variété d'oxyde de fer hydraté. C'est une pierre creuse contenant à l'intérieur du sable ou une autre pierre plus petite et qui fait du bruit lorsqu'elle est secouée. Cette particularité amplifie l'intérêt des curieux qui perçoivent un indice supplémentaire du caractère organique des minéraux. On croit à l'époque qu'elle provient du nid des aigles et qu'elle constitue un élément indispensable à leur survie. Cette pierre aurait la faculté de réchauffer ou refroidir les oeufs et ainsi de favoriser l'éclosion. On pense également qu'elle tient à distance les animaux venimeux. Portée en amulette, cette pierre aurait la faculté de faciliter la grossesse et d'éliminer les fausses-couches.
Parmi les pierres non-précieuses recherchées il y a les pierres figurées, celles qui par leur forme excitent l'imagination et rappellent des récits légendaires. Les pierres de forme triangulaire en particulier suscitent fortement la curiosité. Encore une fois, on attribue à la plupart de ces pierres des propriétés curatives.
Le corail et l'ambre constituent deux produits minéraux particulièrement recherchés. Leur origine suscite de nombreux questionnements. On se demande s'ils sont de nature végétale ou minérale. L'hypothèse admise le plus souvent pour le corail est qu'il s'agit d'une plante pétrifiée. On peut donc le classer parmi les végétaux ou les minéraux. Ce consensus sur l'origine du corail correspond aux perceptions d'Ovide et de Pline qui considéraient le corail comme une plante souple qui durcit au contact de l'air.
L'ambre constitue une autre curiosité marine. Il faut toutefois faire une distinction entre l'ambre jaune et l'ambre gris. Le premier provient d'une résine de pin fossilisée, dure, transparente. Il est utilisé pour fabriquer des bijoux, en particulier des chapelets, et l'intérêt qu'on lui porte provient de ce qu'on retrouve parfois des inclusions de végétaux ou d'insectes. Il suscite également la curiosité par sa propriété d'attirer vers lui les particules légères lorsqu'on le frotte (Le mot électricité provient du grec electron signifiant ambre. L'origine du substantif électricité serait donc lié au phénomène d'électricité statique perçu chez l'ambre). Le second type d'ambre, le gris, provient des concrétions intestinales des cachalots, qui flottent à la surface de la mer une fois rejetées. On extrait un parfum très précieux de cette substance. De fait, l'ambre gris constitue selon certains auteurs du XVIIe siècle la substance la plus coûteuse.
On reconnaît difficilement les fossiles pour ce qu'ils sont vraiment: des restes d'organismes vivants. Une des raisons de cette incompréhension réside dans le fait que les organismes dont ils portent la trace constituent des espèces disparues ou inconnues. Ils demeurent inexpliqués tant et aussi longtemps que l'on ne perçoit pas la correspondance avec la stratigraphie, c'est-à-dire jusqu'au moment où l'on se rend compte que chaque couche terrestre ou strate révèle une faune et une flore appartenant à différentes époques.
Les pétrifications de bois et de fruits sont dans tous les cabinets. Les plus spectaculaires sont ceux provenant d'une partie du corps humain : pied pétrifié, crâne pétrifié, enfant pétrifié. Chez Peiresc on trouvait une grande quantité de pétrification : feuilles d'arbres, fruits, fleurs, poissons, hérissons, écrevisses, champignons, os humains.
Le bézoard constitue l'objet indispensable des cabinets princiers. Il s'agit d'un corps étranger (pierre) dans l'appareil digestif de certains animaux autour duquel se forment des couches concentriques. Lorsqu'il atteint ou dépasse la grosseur d'un oeuf de poule il constitue un objet d'immense valeur. C'est la grande curiosité de ce siècle, d'autant plus que la découverte du Nouveau Monde en a fait connaître de nouvelles espèces.
Au XVIIe siècle, on distingue le bézoard oriental, connut en Europe depuis le XIIe siècle comme un excellent remède contre les poisons, du bézoard occidental provenant d'Amérique.
Ce dernier est souvent de taille plus importante mais moins efficace sur le plan curatif. Pour l'usage médical le bézoard est broyé en poudre et ingurgité. Même réduit en poudre il vaut extrêmement cher. On explique les vertus médicale du bézoard par le fait que les animaux chez lesquels il se forme consomment de grandes quantités d'herbes vénéneuses et fabriquent ainsi le précieux antidote concentré dans le calcul. Dans les cabinets princiers ils sont parfois orné de monture d'or ou d'argent comme par exemple ceux de la collection de Rodolphe II à Prague.
Monde végétal
On collectionne les plantes pour deux raisons. D'une part pour l'intérêt qu'on voue à la botanique, stimulé par la découverte du Nouveau Monde, et d'autre part pour leurs caractéristiques fabuleuses (qualités médicales et croyances qui leur sont associées). La botanique à l'époque est essentiellement descriptive et se limite à la collection de plantes.
L'élaboration d'un système de classification des plantes est pratiquement absent. On se contente dans les traités de les placer par ordre alphabétique. L'intérêt pour les plantes est en général partagé par tous les curieux. Au cabinet de curiosités est souvent associé un jardin. Les plantes sont plus faciles à conserver que les animaux: on peut tenter de reproduire dans son jardin les conditions climatiques propres à leur survie ou encore les faire sécher. La plupart des cabinets de curiosités au XVIIe siècle contienne un herbier.
Une des particularités de ces collections de plantes est qu'elles constituent chez certains amateurs la première ambition encyclopédique; c'est-à-dire posséder entièrement toutes les plantes. Cet objectif est d'autant plus réalisable qu'à l'époque le nombre de plantes connues par les plus érudits des botanistes oscillent entre 5000 et 10,000. Aujourd'hui les botanistes en connaissent environ 600,000. D'autres collectionneurs se limitent aux plantes exotiques, en particulier les plantes odoriférantes. Les fleurs constituent également un objet de collection. L'amateur tente en général de créer une variété rare ou inédite.
Parmi les plantes recherchées pour leurs propriétés extraordinaires on retrouve la mandragore. Elle est constituée de racines rappelant des formes humaines. On croit qu'elle provient du sperme et des liquides résiduels des pendus et autres condamnés à mort. C'est pour cela que l'on pense qu'elle combat l'infertilité des femmes.
La rose de Jéricho est la seule plante que l'on retrouve dans pratiquement tous les cabinets de curiosités. On croit que cette plante s'ouvre pendant la nuit de Noël et lorsque les femmes accouchent. La présence de la rose de Jéricho favoriserait en effet les accouchements. On la nomme rose de Jéricho à tort puisqu'il ne s'agit pas d'une rose et qu'elle ne provient pas de Jéricho. Ce sont des moines qui l'ont baptisé ainsi en se basant sur les Écritures: «J'ai grandi comme (...) des plants de laurier-rose à Jéricho». (Siracide, 24,14). Toutefois il est vrai que la fleur s'ouvre lorsqu'on la met dans l'eau.
Monde animal
Pour des raisons de conservation ce sont le plus souvent des fragments durs (os, becs, ongles) d'animaux qui sont amassés; par exemple des squelettes de dauphin, des mâchoires de requin. En plus de son apparence étrange le tatou est un de ces animaux faciles à conserver à cause de sa peau dure.
Écrevisses, homards, anguilles, hippocampes, crabes, langoustes sont dans beaucoup de cabinets. Ils se conservent relativement bien une fois séchés et ont la particularité d'appartenir à un groupe intermédiaire entre les végétaux et les animaux et cela aiguise encore une fois la curiosité.
Le rémora, petit poisson dont la tête est pourvue d'un disque adhésif qui lui permet de s'attacher à de gros poissons, est l'animal marin le plus caractéristique des cabinets. On le recherche non pas pour son aspect mais bien pour ses propriétés fantastiques. Son nom signifie faire obstacle et à l'époque on croit que ce petit poisson a la capacité de stopper des navires en pleine course.
Les crocodiles et les tortues constituent aussi des éléments indispensables du cabinet. Le caméléon constitue un autre de ces animaux étranges qu'on ne sait où classer: quadrupède mais considéré comme un monstre marin au même titre que les crocodiles. Ses caractéristiques hors du commun, animal changeant de couleur, ne fermant jamais les yeux et se nourrissant d'air, en font un élément de collection très convoité d'autant plus que Pline le mentionne dans son Histoire naturelle.
Au XVIIe siècle on regroupe sous le terme coquille ou coquillage les crustacées (crabes, crevettes, écrevisse, homard, etc.), les échinodermes (animaux marins à symétrie rayonnante: oursins, étoiles de mer, etc.) et les mollusques (embranchement du règne animal comprenant des métazoaires au corps mou [invertébrés] non divisé en segments, le plus souvent enfermé dans une coquille calcaire: huître, palourde, pétoncle, etc.) alors qu'aujourd'hui l'on associe le mot coquillage uniquement aux mollusques testacés.
La classification des coquillages s'effectue non pas selon l'animal mais en fonction de la forme des coquilles (univalves, bivalves, à plusieurs pièces ou multivalves). La beauté esthétique des formes constitue un des motifs de collection des coquillages. Ceux d'origine lointaine et rares suscitent un intérêt particulier. On les conserve souvent dans les tiroirs du cabinet. À la fin du XVIIe siècle ce sont les Hollandais qui, grâce à leur commerce maritime répandu jusqu'à l'Océan Indien, possèdent les plus fabuleuses collections.
Les oiseaux, presque exclusivement les espèces exotiques, sont très recherchés. Perroquets, aras, autruches (en particulier leurs oeufs), toucans (pour leur bec coloré énorme: certains le perçoivent comme un monstre volatile pour cette caractéristique), oiseaux de paradis (ou paradisier: passereaux de la Nouvelle-Guinée: typique dans les cabinets de curiosités), casoar (grand oiseau coureur dont la tête et le cou sont dépourvus de plumes et qui porte sur le front un appendice corné.
En 1547 on rapporta le premier casoar de Java à Amsterdam qui provoqua un tel engouement que l'on organisa des visites payantes pendant un mois) et l'alcyon (oiseau marin fabuleux dont la rencontre était un présage de calme et de paix. Oiseau qu'on voit peu mais dont le nid est admirable) constituent les espèces les plus recherchées.
Certains oiseaux ont été tellement pourchassés qu'ils sont aujourd'hui disparus. C'est le cas du dronte ou dodo (grand oiseau coureur incapable de voler de l'île Maurice) dont la race s'éteignit avant la fin du siècle. La plus grande part du commerce des oiseaux est effectuée par les Hollandais sauf dans le cas du paradisier qui est importé par les Portugais. Seuls les princes ont les moyens de les garder vivants. Rodolphe II possédait la plus grande volière, quoiqu'inaccessible. Les collectionneurs ordinaires devaient se contenter d'oiseaux morts qu'ils faisaient empaillés de façon précaire ou encore des parties solides (bec).
Les insectes forment le parent pauvre de la zoologie au XVIIe siècle. On les connaît mal et le peu de publications sur le sujet ne peut aider les curieux à orienter leur collection. L'insecte le plus collectionné demeure, comme aujourd'hui, le papillon. Dans les gravures et les miniatures les insectes sont souvent représentés avec les plantes.
Certaines créatures dont l'existence est attestée par les légendes dans les documents antiques sont parfois présentes dans les cabinets. C'est le cas du dragon que l'on fabrique avec des raies ou des lézards et dont l'existence est attestée par la littérature chrétienne (St-Georges et le dragon) et l'iconographie abondante. L'hydre à sept têtes, connue des Grecs et adaptée par le christianisme comme symbolisant les sept péchés capitaux est fabriquée avec des éléments de lapin et de serpent.
D'autres animaux ou parties de ceux-ci figurent dans les cabinets parce qu'ils sont rattachés à des légendes vantant certaines de leurs vertus. C'est le cas du pied d'élan qui aurait la propriété, porté en amulette, de prévenir les crises d'épilepsie. On raconte que lorsqu'il est poursuivi longtemps l'élan s'effondre subitement et ne se relève qu'après avoir frotté sa patte arrière gauche contre son oreille.
La plupart des cornes d'animaux sont supposées être efficaces contre quelque maladie. Elles éveillent donc aussi l'intérêt des curieux. On trouve dans les cabinets des cornes de rhinocéros, de daims, de bezoar (la chèvre qui produit ce calcul est souvent désignée par le même mot).
La licorne est le plus spectaculaire exemple de corne animale possédant une vertu extraordinaire. La licorne est cet animal fabuleux qu'on représente avec un corps de cheval, une tête de cheval ou de cerf, et une corne unique au milieu du front. Râpée et consommée elle devient un puissant antidote contre les poisons, encore plus efficace que le bézoard. Sa valeur est donc presque inestimable. Son évaluation excessive correspond également à l'usage répandu dans les cours italiennes des empoisonnements.
La défense du narval, parfois celles du morse, constitue le succédané idéal. La plus célèbre est celle de Saint-Denis. Compte tenu de leur prix exorbitant seuls les grands princes ou l'Église en possèdent. À la fin du XVIIe siècle cependant les voyages vers le Nord et les pêches abondantes de narval font s'écrouler dramatiquement les prix. Toutefois la croyance en ses vertus demeure.
Et, finalement, parmi les curiosités animales on compte bien sûr celles en rapport à l'homme. On collectionne tout ce qui relève de l'anormal et du monstrueux à son sujet. À nouveau, on estime beaucoup l'anormal lorsqu'il est mentionné chez les Anciens ou lorsque des légendes le rapporte. Le cyclope, figure mythique des récits d'Homère, est sans doute le plus célèbre en France. L'amateur Borilly en possédait un dans son cabinet. La momie égyptienne constitue un autre élément fort bien représenté dans les cabinets. Les géants suscitent également la curiosité. La littérature antique et la Bible en parlent. De plus, de nombreuses découvertes d'ossements d'êtres gigantesques relancent à tout moment le débat sur leur existence passée.
On pourrait sommairement diviser en deux catégories les objets de fabrication humaine représentés dans les cabinets. D’un côté l’on a les objets exotiques (exotica) de provenance lointaine et de l’autre les objets à travers lesquels on perçoit le génie humain rivalisant avec les forces divines.
Dans la première section on peut classer tous les artefacts provenant des contrées lointaines et les objets rappelant le passé héroïque de la race humaine: les antiquités, les médailles, les pierres gravées, les objets ethnographiques tels que le canoë (il figure dans tous les cabinets), les armes (poignards de Turquie, arcs et flèches des Indiens, tomahaw) raquettes pour la neige, tapis chinois, manteau brésilien de plumes, pipe, ustensiles, etc.).
Les amateurs, ne disposant en général de peu d’informations sur la provenance exacte, la signification ou l’usage de ces objets exotiques, se limitent à les classer selon les matières dans lesquelles ils sont fabriqués. L’écriture étrangère et son support constituent aussi un phénomène singulier et les curieux tentent avec difficulté et sans beaucoup de succès de déchiffrer leur contenu. Du moins peuvent-ils facilement accumuler des échantillons. On trouve dans les cabinets toutes sortes d’écritures et de signes exotiques (chinoises, hiéroglyphes, romaines, indiennes, etc.) sur différents supports (papyrus, papier de soie, écorces d’arbre provenant du Canada, feuilles de palmier, etc.).
Dans la seconde catégorie figure les armes (elles forment toujours une section importante des cabinets surtout ceux des princes et grands seigneurs), les instruments de musique, les instruments d’optique (télescope, microscope, longues-vues, astrolabe), les instruments mécaniques et scientifiques (horloges, montres, pendules, cadenas à lettres, thermomètres, baromètres, automates divers), tous les objets miniatures (modèles réduits) et, finalement, les oeuvres d’art.
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